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Guillaume,  Valérie et Mathilde en Outre Mer

Après avoir passé quatre années inoubliables à Mayotte, nous sommes depuis cinq ans en Guyane. Au fil des articles, j'essaie d'apporter des informations pour tous ceux qui souhaitent découvrir ces territoires et peut-être s'y installer.

Grève générale : ça chauffe à Mayotte !

Après les incidents du jeudi 6 octobre relatés dans mon précédent article sur la grève générale, l'ambiance s'était un peu apaisée. Pendant toute la durée des vacances, les magasins sont demeurés totalement fermés. Les négociations se poursuivaient entre l'intersyndicale et le patronat en présence du préfet sans toutefois réellement aboutir.

 

Le vendredi 14 octobre, la venue de la ministre de l'Outremer Marie Luce Penchard avait fait naitre un espoir d'issue à la crise contre la vie chère mais finalement étant donné les annonces faites le soir même au journal de Mayotte 1ère, beaucoup restèrent déçus. Les choses ne se sont pas arrangées et hier c'est reparti de plus belle.

 

Les annonces étaient les suivantes :

 

- une grande enquête sur les marges réalisées par les entreprises commerciales à Mayotte

 

- la délivrance de bons d’achat (de 5 euros par mois pour chacun des 10 produits de 1ère nécessité) par la CAF pour certaines familles jusqu’à l’arrivée du RSA  dans quelques mois

 

- l’alignement de la prime de rentrée scolaire sur le niveau de la métropole au mois d’août 2012.

 

Malheureusement ces annonces n’ont pas permis de répondre sur le court terme à cette crise qui touche Mayotte depuis maintenant 23 jours .Les négociations ont donc repris dès le lendemain, c’est-à-dire à partir du samedi.

 

La rentrée des classes de lundi s’est déroulée pratiquement normalement. Les transports scolaires étaient passés le matin. Et les classes étaient pratiquement au complet au lycée. Seul bémol, pour se restaurer le midi, la collation n’était pas délivrée. Pour la plupart des élèves qui n’avaient pas mangé le matin, le système D devait alors s’organiser mais beaucoup ne trouvèrent pas à manger autour du lycée et revinrent en cours l’après midi le ventre toujours vide.

Le soir même,  nous apprenons au journal  qu’un des syndicats, en l’absence des autres,  a signé le protocole d’accord sur les produits de première nécessité.

 

Les prix alors nouvellement négociés étaient  :

 

-  Le carton de 10kg de mabawas (ailes de poulet) : 19.95 € au lieu de 25.80 € soit une baisse de 23 %.

-  Le carton de 10kg de cuisses de poulet : 19.95 € au lieu de 23.50 € soit une baisse de 15 %.

-  Le  sac de riz : 12.85 € au lieu de 14.50 € soit une baisse de 12 %

-  Le gaz : 25 € au lieu de 31 € ou 24 € au lieu de 26 € selon le fournisseur

-  Les tomates, huile, sardines, lait : baisse de 5 à 32 centimes d’euros

-  La tonne de sable pour la construction : 35 € au lieu de 41.75 €.

 

Quelques magasins ont donc ouvert dès le lendemain, mardi. Les gens de Mamoudzou et Petite Terre se sont alors pressés pour faire des courses dans les rayons pratiquement vides des supermarchés, faute de livraison depuis  trois semaines.

Les syndicats non signataires du protocole et la population n’étaient pas satisfaits des nouveaux prix pratiqués et surtout de l’absence de négociation sur la viande (en particulier le bœuf). Des manifestants dont certains violents se sont alors dirigés vers ces commerces pour ordonner leur fermeture et au passage dévaliser les coffres des clients qui venaient de sortir des magasins.

 

Des barrages ont rapidement été dressés au Nord et au Sud de Mamoudzou.

 

Des manifestants interceptèrent un camion de livraison à la sortie de la barge et l’ont dévalisé. Le service de barge a donc été interrompu entre Petite Terre et Grande Terre.

 

Il faut dire que les pillages de certains manifestants s’expliquent par la pénurie qui touche Mayotte étant donné que les magasins sont fermés depuis trois semaines pour les pousser à négocier les prix. Les gens commencent sérieusement à manquer de tout. Le riz, la viande, tout le monde ratisse ses fonds de placard et vit sur ses réserves s’il en reste.  Nous-mêmes n’avons plus de gaz depuis cinq jours mais heureusement une plaque chauffante nous dépanne. Beaucoup se rabattent sur le poisson ramené par quelques pêcheurs et vendu beaucoup plus cher que la viande. Beaucoup déambulent à la campagne, dans leurs champs, à la recherche de manioc et de fruits à pain.  


Au lycée du nord, les élèves pourtant venus le matin ont demandé à être libérés des cours l’après-midi étant donné l’absence de collation le midi. Les élèves sont donc repartis chez eux.

 

Les choses se sont encore envenimées hier, mercredi,  sur la zone de Mamoudzou. Des barrages ont été dressés partout dans l’île. Les transports scolaires ne pouvaient donc pas amener les élèves dans les établissements et les travailleurs ne pouvaient aller travailler.

 

Les manifestants pressés de trouver une réponse à leurs revendications déambulaient dans la zone de Kawéni en compagnie du président du Conseil général. Certains ont tenté de casser et de forcer les portes des commerces afin de les piller. Les forces de l’ordre sont donc intervenues sous les jets de pierre pour sécuriser les lieux et disperser les manifestants à coups de flash ball et de gaz lacrymogène. Devant ce déchainement de violence, on apprit à la radio, par les témoignages des auditeurs sur le terrain qu’un jeune était mort dans les affrontements à cause d’un tir de flash ball au centre de Mamoudzou. La tension monte donc encore d’un cran. Le président du conseil général scandalisé par la violence des forces de l’ordre et soutenant la population réclame le départ du préfet.

 

Des gens venant de toute l’île montèrent donc à Mamoudzou pour en découdre. Une enquête est ouverte et un médecin légiste est actuellement en route pour Mayotte afin d’identifier les causes de la mort de cet homme de 39 ans puisque selon la préfecture, l’équipe soignante n’aurait pas identifié d’impact de flash ball ou de gaz sur le corps.  

 

 Le soir sur Mayotte 1ère, les journalistes relatant les faits de la journée, reçurent séparément le président du conseil général et le préfet. Tous deux ont appelé au calme, le président du Conseil général soutenant la population dans ses revendications et contestant les méthodes des forces de l'ordre (deux incidents graves à ce jour).

 

Je constate en parallèle qu’en métropole,  le bandeau d’information sur i-télé qui évoquait en journée qu’un manifestant était mort à Mayotte avait disparu vers 19h.  En revanche, on a beaucoup d’informations sur la grève générale en Grèce mais la grève générale à Mayotte semble désintéresser les médias métropolitains.  Certains touristes m’écrivent même de métropole pour avoir des infos sur Mayotte !

Les violences se sont poursuivies dans la soirée et dans la nuit. Le préfet a quitté les locaux de Mayotte 1ère sous les jets de pierre. Mamoudzou et Petite Terre ont été le théâtre de violence et de dégradations (voitures brûlées, magasins saccagés et pillés, affrontements avec les forces de l’ordre).

Ici à Mtsangadoua, à la campagne, nous avons l’impression d’être à l’abri des violences. 

 

Ce jeudi matin,  les deux îles se réveillent et la population est outrée de la tournure des événements .

Des marches blanches en mémoire de l’homme mort hier sont organisées à Mamoudzou et Chirongui . Une minute de silence a été observée à 9h30.

Les transports scolaires ne sont pas passés ce matin donc il n'y a pas d’élèves au lycée. 

 

Pour l'heure, à la radio, entre les chants religieux,  beaucoup d'auditeurs témoignent leurs condoléances à la famille d'El Anziz, décédé hier. D'autres dénoncent la violence des actes et des propos des forces de l'ordre. D'autres font le point sur la situation sur le terrain un peu partout dans l'île et réclament la levée des barrages pour pouvoir se rendre aux marches blanches de Mamouzou. 

 

L’ambiance semble donc moins violente qu’hier. On verra pour la suite des événements...

 

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A
<br /> Bonjour Valérie<br /> <br /> Votre blog est un superbe outil de communication .<br /> Une interrogation de ma part :pourquoi tant de "pudeur"de la part des médias et autres autorités sur les exactions commises pendant ces troubles et particilièrement à l'encontre des fameux<br /> "m'zungus" ... dégradations de voitures ...vols...agressions ....viols... ET.c...<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Je suis rentrée de Mayotte récemment. Je n'ai pas trop apprécié, on sent vraiment l'hostilité envers les mzungus. Je ne me suis pas du tout sentie rassurée et certainement pas en France, c'est<br /> l'Afrique. Qu'allons-nous faire de ce département ? De plus, je me suis fait agressée et volée sur une plage, la maison a également été cambriolée. Vu déjà le prix du billet ... Heureusement que<br /> mes amis possèdent un bateau et que nous avons pu plonger dans le lagon et finalement nous déplacer tout de même dans l'île. Je ne regrette rien mais pas du tout envie d'y retourner. Bon courage à<br /> ceux qui restent<br /> <br /> <br />
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P
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Je reçois régulièrement "la lettre de malango"<br /> www.malango-actualite.fr<br /> <br /> Et je constate que la situation ne s'est gère améliorée...au dernière nouvelle, la barge qui fait la liaison entre petite terre et grande terre rencontre des difficultés à fonctionner vu que les<br /> personnes d'astreinte pour le service minimum sont "introuvables" par les gendarmes...<br /> J'espère que tout va bien pour vous et votre petite famille...<br /> Une pensée aussi pour le (ou la) fonctionnaire qui sera prochainement mutée à Mayotte, en espérant que d'ici là la situation sera améliorée...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Et aujourd'hui , comment se sont passées les manifs ?<br /> <br /> <br />
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N
<br /> bonjour<br /> cela fait plusieurs fois que je visite votre site il est très bien fait<br /> je suis fonctionnaire muttée à la paierie le 1 novembre 2011 et j'espère qu'il n'y a pas de risque à arriver la situation fait peur à bientôt<br /> <br /> <br />
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